mercredi 18 novembre 2009

LA COOPERATION SELON LAURENCE

Cela fait maintenant deux mois que nous sommes arrivés au Sénégal, il est donc grand temps de faire un point sur ma copé et sur le sens qu’elle prend pour moi.


Partir en copé signifiait : vivre un projet en famille, partir à l’aventure, mener une vie plus simple, aller à la rencontre d’une autre culture, consolider ma foi et fortifier mon couple. Au bout de deux mois qu’en est-il ? Où en suis-je ? Quel sens ma copé a-t-elle pris ?

Le départ de France

Les débuts furent difficiles car quitter son pays, ses racines, ses repères, ses habitudes, sa famille et ses amis n’a pas été évident. Il m’a fallu du courage pour renoncer à ma petite vie parisienne rythmée et bien confortable. J’avais peur car je savais tout ce que je quittais sans pour autant savoir ce que j’allais découvrir. Au moment du départ la peur de l’inconnu m’a noué le ventre à tel point que de chaudes larmes ont coulé à l’aéroport.

L’arrivée au Sénégal

A mon arrivée au Sénégal je n’ai pas peur d’écrire que j’ai souffert du temps, des moustiques, du manque de sommeil, d’une perte importante de poids, du stress de la nounou à trouver, de problèmes digestifs et j’en passe. Tous les jours il me fallait combattre ces désagréments et puiser l’énergie nécessaire pour m’intégrer, m’investir dans mon travail, me familiariser à un nouvel environnement et créer de nouveaux repères. J’ai trouvé cette énergie grâce à l’accueil des sénégalais, à leur ouverture, à leur chaleur humaine, à leur joie et leur bonne humeur. A cet égard je disais à la directrice que le sourire des sénégalais présent à tout moment de la journée fut véritablement thérapeutique pour moi et m’aida à affronter chaque difficulté quotidienne.

Un début de copé placé sous le terme de « la rencontre »

Comment définir mon début de copé ? Le terme qui me vient à l'esprit est « la rencontre ». En effet, j’ai eu le sentiment de me décentrer et de me tourner vers les autres, attitude que j’avais presque perdue à Paris tant l’individualisme est présent. Actuellement je vis l’ouverture à l’autre quotidiennement de part mon travail car je reçois toute la journée des élèves, des parents et le personnel technique de l’école en souffrance. J’essaie de les comprendre au-delà des différences interculturelles. Pour cela il faut me décentrer totalement en faisant abstraction de mes repères, de mes représentations, de mes principes afin de « rentrer » dans leur raisonnement. Je dois m’oublier car je ne peux plaquer mes références à leur mode de pensée et Dieu sait combien les différences entre nos deux cultures sont importantes…Le langage a lui seul amène déjà de nombreuses confusions car la signification d’un même mot diffère bien souvent.

Etant la seule psychologue pour 5 000 personnes, mes journées sont très remplies et mon esprit est parfois fatigué, il m’arrive donc de rentrer fatiguée à la maison et peu disponible pour mon enfant et mon mari. Mon futur challenge de la copé sera donc de trouver un meilleur équilibre et recevoir peut être moins de patients mais comment fermer sa porte à quelqu’un qui souffre ?

La « rencontre » a guidé mon début de copé dans mon travail mais aussi à l’extérieur. En effet, depuis notre arrivée Adrien et moi nous ouvrons beaucoup à l’extérieur, à nos voisins (clin d’œil à maîtresse Amy), aux marchands du quartier, aux gardiens, aux autres volontaires DCC, aux Fidesco, aux VIE de Dakar. Nous avons fait de belles rencontres aussi bien parmi les français que les sénégalais, je suis heureuse de constater que nous avons facilement quitté l’individualisme parisien pour adopter en partie l’esprit communautaire africain. Je me sens vraiment plus ouverte depuis que je suis au Sénégal car je rencontre des gens très différents que je refuse de juger en raison de leur différence. J’ai au contraire l’impression de m’enrichir tous les jours de cette différence.

Se faire de vrais amis sénégalais reste néanmoins difficile car les amitiés peuvent devenir intéressées et la DCC nous a averti de faire attention. La frontière entre la vraie amitié et celle intéressée reste donc encore à définir, futur objectif de ma copé.

Le renoncement

Dernièrement une phrase dite par une amie a retenue mon attention et mérite que je m’y attarde un peu. On m’a donc dit « vous les Mercier vous faites vraiment un humanitaire de luxe ». Certes nous avons beaucoup de chance d’être à Dakar, pays sûr politiquement, d’avoir la plage à proximité, d’être logés dans une grande maison, d’avoir une nounou pour Guillaume…Nous reconnaissons et profitons largement de ces avantages comme peuvent en témoigner les photos du blog.

Mais à travers le terme « luxe » la personne semblait vouloir dire que notre copé ne nous demandait finalement pas d’effort. A cet égard, il ne faut pas oublier que nous faisons du développement et non une intervention humanitaire d’urgence de quelques semaines au milieu de la brousse. Nos conditions sont meilleures car il faut tenir et durer sur la longueur (2 ans) et malgré ça la DCC chiffre 20% d’arrêt de mission avant le terme.

Mon gros effort de copé est avant tout le renoncement à ma famille et à mes proches car je suis loin d’eux et j’ai difficilement accès à internet. Adrien a aussi renoncé à son poste chez Mazars et nous renonçons ensemble quotidiennement à notre petit confort parisien à la fois matériel et financier dont on avait pris l’habitude. Cette vie plus simple coupée des préoccupations matérielles et du stress professionnel ne nous frustre pas car nous l’avons choisie. Elle nous apporte énormément car elle nous recentre vers l’essentiel qui est d’avoir le temps et la disponibilité pour s’ouvrir à l’autre, à la rencontre et à l’échange.

Il n’en demeure pas moins qu’au quotidien il est parfois difficile d’être séparé de ses proches, de ne pas avoir les moyens financiers pour vivre de temps à autre égoïstement, de ne pas avoir accès à la culture et à la technologie, de ne pas avoir notre confort habituel… Notre copé prend aussi sens dans tous ses petits efforts du quotidien qu’il faudra parvenir à tenir sur la durée.

a SUIVRE : la copé selon adrien

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Merci Laurence !!! Nos blogs sont une manière de nous évader de ce quotidien parfois chargé et de parler des bons côtés de nos vies à nos familles et ainsi les rassurer... ne l'oubliez pas de l'autre côté de l'écran quand vous nous lisez !!
Valérie